La MRC Memphrémagog est souvent reconnue pour ses montagnes et ses lacs. Ici, les touristes et les plaisanciers ne manquent pas. Toutefois, des gens y résident à l’année et ceux-ci peuvent être sujets à des facteurs de vulnérabilité comme l’insécurité alimentaire. Avant d’entrer dans le vif de ce sujet, voyons un portrait global de la MRC. Celle-ci est composée de 17 municipalités et s’étend sur un territoire d’environ 1 300 km².
La MRC Memphrémagog compte environ 50 500 personnes sur son territoire. Entre 2001 et 2016, la population a augmenté de 20,4% ce qui représente une croissance démographique supérieure à celle du reste de l’Estrie et du Québec (MRC Memphrémagog, 2022).
D’ailleurs, les acteurs du milieu remarquent depuis le début de la pandémie une croissance de leur population, que ce soit de jeunes familles désirant une vie en milieu rural ou des retraités qui changent leur chalet en maison.
43,6 % (Estrie 50,5%, Québec 57%) des ménages sont composés d’enfants et d’adultes;
26,9% (E 26,3%, Qc 24,6%) de ces familles sont monoparentales;
15,3% (E 14,8%, Qc 13,6%) des familles sont considérées à faible revenu.
25,5% (E 20,3%, Qc 18%) des citoyens de la MRC ont 65 ans et plus;
15,6% (E 19,5%, Qc 18,8%) de ces personnes sont considérées à faible revenu;
25,2% (E 29,7%, Qc 30,1%) des aînés.es vivent seuls.es.
27,3% (E 36,8%, Qc 38,6%) de la population loue son logement;
30,4% (E 32,3%, Qc 33,7%) de la population dit consacrer 30% ou plus de son revenu annuel brut pour son logement;
La moyenne des prix de loyers en 2022 était de 1417$ par mois.
5,3% (E 2,7%, Qc 5,5%) de la population de la MRC ne connaît pas le français, ce qui équivaut à plus ou moins 2600 personnes. Cela entraîne notamment des enjeux d’accessibilité aux services.
Afin de bien comprendre le niveau de défavorisation d’une communauté, deux indicateurs doivent être pris en compte:
La dimension matérielle qui renvoie à l’accès aux biens et aux commodités de la vie courante auxquels les habitants de la communauté ont accès. Celle-ci est évaluée par le niveau d’éducation, l’emploi et le revenu;
La dimension sociale qui renvoie à la solidité du réseau social c’est-à-dire la famille et la communauté. Celle-ci est évaluée par le fait d’habiter seul, être monoparental et l’état matrimonial (veuf, séparé, divorcé).
Selon l’INSPQ (2019), « L’[indice de défavorisation matérielle et sociale] regroupe ainsi six indicateurs qui ont été choisis pour leur relation avec l’état de santé et l’une ou l’autre des deux formes de défavorisation»
La particularité de Memphrémagog tient dans le fait que le territoire est grand et la MRC comprend plusieurs municipalités avec des niveaux de défavorisation matérielle et sociale très différents. Comme il est possible de le voir dans le tableau 1, la communauté des Tisserands, située dans la municipalité de Magog, et la ville de Stanstead sont les endroits où la population est le plus défavorisée. Au contraire, les municipalités d’Orford, Austin et le Canton de Hatley sont les endroits où la population est la plus favorisée socialement et matériellement.
Il est important de déterminer les communautés et municipalités où les niveaux de défavorisation sont plus grands afin de mieux cibler nos futures interventions en matière de sécurité alimentaire. Selon une étude de l’INSPQ (2018), « plus les ménages sont défavorisés sur le plan matériel et social, plus l’insécurité alimentaire est grande. »
Actuellement, la plupart des services en sécurité alimentaire sont concentrés à Magog. Pour certaines communautés cela implique plus ou moins 30 minutes de voiture pour avoir accès à des services.
L’étalement de la population dans la MRC peut faire en sorte que la population de certaines municipalités ne connaît pas les services auxquels elle a accès. De plus, les organismes de Magog peuvent avoir de la difficulté à rejoindre cette population puisqu’ils ne connaissent pas toujours la réalité du milieu ou n’ont pas de contact dans les différentes municipalités pour faire le pont.
Dans les dernières années, quelques acteurs ont remarqué une diminution de la réception de fruits et légumes venant des supermarchés et des denrées non périssables qui sont souvent offertes par les particuliers. Cela fait en sorte que les organismes doivent dépenser plus d’argent afin de répondre à la demande d’aide alimentaire.
Un des enjeux pour les réfrigérateurs communautaires est le tri des aliments. Lorsqu’ils reçoivent des dons d’ailleurs qu’à la BAM (Banque Alimentaire Memhrémagog), un gros tri doit être fait. Cela implique des heures importantes de bénévolat ou des tris faits à la discrétion des utilisateurs. Cela peut impacter la dignité des personnes, lorsqu’ils ont seulement accès à de la nourriture proche de sa fin de vie.
De plus, l’une des partenaires nous faisait remarquer que la presque totalité des aliments consommés dans sa municipalité venait de l’importation. Cet enjeu est à prendre en considération puisqu’il implique que la MRC est dépendante de l’extérieur pour assurer sa provision de nourriture. Cela pourrait devenir un problème majeur si l’importation d’aliments cessait.
Seulement quelques acteurs sont actifs de façon continue dans la concertation. Quelques partenaires se présentent sporadiquement aux rencontres, mais il n’y a pas de réel engagement de leur part.
Aussi, le comité ne comprend pas d’épiciers.ères ni d’agriculteurs.rices, malgré le fait qu’ils soient des partenaires importants pour les organismes communautaires puisqu’ils leur offrent des denrées gratuitement. Selon nous, ils pourraient contribuer à la vision d’un système alimentaire sain et sécuritaire pour la population de Memphrémagog.
Cet enjeu est particulièrement intéressant, car il varie d’une municipalité à l’autre. Il a été remarqué que dans les municipalités plus favorisées, la mobilisation est très présente. Par contre, dans d’autres municipalités, il est plus difficile de mobiliser la communauté et la faire participer aux activités. Il est même plus difficile de les rejoindre pour offrir des services.
Plusieurs organismes communautaires en sécurité alimentaire ne pourraient fonctionner sans la présence des bénévoles. Pour plusieurs d'entre eux, c’est toujours un défi de trouver des bénévoles qui sont disponibles de façon régulière.
De nombreux partenaires ont remarqué que les personnes les plus à risque d’insécurité alimentaire sont aussi celles qui ont le moins de connaissances dans la cuisine.
Nous avons d’abord remarqué qu’il y a peu de référencement d’un organisme à l’autre.
Au-delà du manque de référencement, nous remarquons un manque d’autonomisation dans le processus d’aide alimentaire. La population fait une demande de dépannage alimentaire, mais cette demande est récurrente et rien ne semble bouger pour améliorer la qualité de vie des gens. Peu de gens passent à la deuxième étape pour obtenir de l’autonomie par rapport à leur alimentation. Ils ne retournent pas sur le marché du travail s'ils n’y sont plus (via l’insertion socioprofessionnelle) ou ne se dirigent pas vers les cuisines collectives qui sont une façon intéressante de payer moins cher l’épicerie et d'apprendre de nouvelles choses.
De cela découle la difficulté de certains organismes à recruter des participants pour leurs activités. La majorité des organismes ont nommé qu’ils savent que certaines personnes pourraient avoir besoin, mais qu’il n’arrive pas à les rejoindre. Aussi, les organismes ne voient pas tous l’organisation et le développement des services de la même façon. Cela apporte des malentendus et la propagation de ouï-dire.
Il est important de relever les enjeux nommés plus haut, car ils ont et pourront avoir des impacts sur la population de la MRC de Memphrémagog. Prendre note que ces impacts ne sont pas répertoriés de façon scientifique, mais sont des hypothèses issues des discussions que nous avons eues avec les différents acteurs.
D’abord, nous pouvons supposer que si la sécurité alimentaire n’est pas améliorée, celle-ci peut s’aggraver ou se transmettre aux prochaines générations. Un impact grandement anticipé est la diminution de la durée et de la qualité de vie de la population, mais surtout celle des aînés qui voient leurs revenus grandement diminuer après la retraite. Si les partenariats ne sont pas maintenus ou qu’ils se détériorent, certaines communautés pourraient voir leur accès à l’aide alimentaire diminuer. Cela pourrait aussi faire en sorte que l’écart entre la population et les services augmente. L’impact directement lié au mauvais référencement est que les usagers qui sont mal informés font face à des refus, vivent ainsi un échec et ne reviennent plus vers les ressources.
Selon le CIUSSS de la Capitale Nord (2022), l’insécurité alimentaire peut entraîner les gens à avoir recours à toutes sortes de stratégies qui peuvent ultimement affecter leur dignité, leur santé mentale, leurs relations interpersonnelles et sur leur santé physique.
L’objectif principal du CéSAM est d’assurer une aide alimentaire efficace et efficiente pour répondre aux défis de l’insécurité alimentaire.